Interview de David par Monsieur Live

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« Mon art règne en moi, mais ne me gouverne pas »

DJ de l’image et de la matière, David Cintract se définit comme un artiste existentiel visuel et tactile.
Polysensoriel, il passe avec une aisance déconcertante des techniques traditionnelles de peinture aux technologies modernes telles que la digigraphie, la photographie, l’inclusion d’objets divers/de jouets…
Au travers de ses mannequins qu’il « dandyse », de ses Mutantoy’s et Candy‐Box, il fabrique de l’individualité dans le manufacturé, et dépose sa poésie dans les objets de séries.

Q : « Est‐ce qu’être artiste est une évidence pour toi » ?

L’art et la philosophie sont pour moi les meilleurs moyens d’esthétiser mon existence. Grâce à ces deux moyens d’expression et de réflexion, j’ai ainsi pu optimiser mon optimisme tragique et inverser la tendance névrotique générale des oeuvres contemporaines. Mon souhait est de traiter de sujets de société ou d’actualité plus ou moins graves, et d’en tenter une retranscription démocratique et positive. C’est pour moi une façon ludique de jouer avec les images et les objets futiles qui rappellent l’enfance, avec en filigrane le constat d’une obsession du rapport que nous avons avec une consommation frivole, nourrie par une publicité sans cesse renouvelée. Ce travail m’amène d’ailleurs à me demander si le bonheur ne se serait pas épuisé dans le plaisir de la consommation.

Q : « Pourquoi la Pop Libre » ?

On me classe généralement dans la Pop Art, ce qui ne me gène pas, même si je trouve cela trop limitatif. En effet, je me vois dans une Pop plus singulière, et puisqu’il faut mettre les styles artistiques dans des cases, j’ai créé la Pop Libre pour avoir une correspondance parfaite !
La Pop Libre est aussi pour moi une façon de m’affranchir de mes « faux pères » de la Pop Art, et de garder un lien avec ceux qui m’ont tant influencé, à savoir Rembrandt, Léonard de Vinci, Courbet, Le Caravage… pour les peintres ; Epicure, Spinoza, Nietzsche … pour les philosophes.
Pour résumer, la Pop Libre, c’est le rapport qu’il y a entre mon art et moi‐même. C’est un art de vivre, un état d’esprit, car plus intense est ma Pop Libre, plus belle est mon âme.

Q : « Comment expliques‐tu l’émerveillement des enfants et des adultes face à tes oeuvres ? »

Je tente tous les jours au travers de mon art de retrouver la spontanéité de mon enfance, et de la faire renaître chez le plus grand nombre.
Si l’art a un effet aussi puissant, c’est qu’il donne du plaisir, et principalement celui de se projeter hors des contraintes de l’existence. Cela me remplit de joie de voir que mes oeuvres remplissent cette fonction.

Q : « Dans le foisonnement de tes concepts, de quelle invention es‐tu le plus fier » ?

Je pense qu’il faut rester très modeste. En effet, nous n’inventons rien. On conserve, on dépasse, et si l’on n’est pas trop mauvais, on surpasse. Le mouvement des Incohérents (1882‐1893), mouvement
dont on ne parle jamais, avait déjà créé sans en prendre la mesure ni qu’on le lui reconnaisse le concept d’art contemporain.

Q : « Dans l’une de nos conversations, tu me disais que « l’homme et l’artiste sont une harmonieuse opposition ». Qu’en est‐il ? »

Je m’approprie tout, tout comme j’agis et j’évolue en tant qu’artiste. Ce n’est pas l’homme mais l’artiste que je développe, et l’artiste fait l’homme que je suis. C’est là l’unique sens de la Pop Libre !
Une sorte de bi‐polarité artistique comme disait Nietzsche, mêlant Dionysiaque (l’homme) et Apollon (l’artiste). Le premier libère dans une impulsion l’expression artistique et intensifie mon pouvoir de
représentation. Le second esthétise, pour créer une sorte d’excitation de l’oeil , dégageant ainsi le ciel pour éclairer ma pensée.
J‘aime le contact direct avec la matière.
Aujourd’hui, dans le monde de l’art, on ne sait plus si on est connu parce que l’on a du talent ou parce que l’on est visible. Il faut être vu, peu importe pourquoi. Et étant connu, l’on devient célèbre même sans éventuel talent, ce qui établit une élite dont le prestige peut manquer parfois de « légitimité ». Il faudrait que nous soyons capables d’une auto éducation à l’art contemporain pour ne pas subir la
tyrannie du star system et la spéculation qui va avec.